Aujourd’hui, chez moi, au bord d’un chemin rocailleux entouré de champs avec des arbres épars, un humain pas comme les autres est passé devant moi. Étrange, ce n’est ni un randonneur, ni ceux qui vont dans les champs travailler. Lui, il s’arrête à peu près devant chaque plante qu’il voit. Mon parfum l’a attiré. Il est passé au-dessus de la menthe sans même que l’humain ne s’en aperçoive. Une première victoire. Installé face à moi, ses yeux à hauteur de mes plus belles branches, il me contemple. Lentement. Il caresse une petite tige. Je lui ai donné mes meilleures épines. Vertes, piquantes et odorantes. Aux creux de ses mains, il m’analyse. Il s’enivre de mes essences et réfléchit un instant, tout en observant les alentours. Personne. Personne pour voir ce spectacle. Personne pour juger ce spectacle. Nous sommes amoureux. Il prend un sachet kraft, un petit couteau de poche et me dépouille de 7 ou 8 branches. Pas plus. Mes racines, après une vérification de mon état générale, conclut et heureusement pour moi, par ce 2 mots : pas d’anomalie. Je vis. 2 fois. Plutôt séparé en 2 parties (même plus). Vous, les humains vous avez du mal à appréhender cela. Je vis encore chez moi au bord d’un chemin rocailleux entouré de champs avec quelques arbres épars et je vis aussi, pour le moment dans le sachet kraft, dans le sac à dos de cet humain. Mon voyage commence. Très vite, j’atterris du sac kraft à une table. Une table où le vent et la lumière sont maitrisés. Ils ne rentrent pas à leur guise comme chez moi. La température reste très stable. Très peu de variations. Là aussi pas comme chez moi. Chez moi, dès que le soleil disparaît, la température chute.
Sur cette table, l’excitation monte brusquement. La casserole est là. On dirait qu’elle m’attend. Ouah la poêle est aussi là ! Quelques tasses. Oui préparation à la cuisine. Mais pas tout de suite. On teste d’abord ma patience. Pendant un long moment on m’a entreposé dans une espèce d’armoire avec des trous, à l’abri de la lumière. Toute l’eau présente dans mes épines se dissipe. L’air qui circule dans cette armoire, a rassemblé bon nombres de parfums. Je ne suis pas évidemment la seule plante. Cependant pas moyen de les côtoyer.
Puis au bout de quelques jours, la lumière revient, l’armoire s’ouvre, je reconnais l’humain. Ça y est c’est mon tour ! La cuisine. L’excitation. Je suis donc escorté sur la table. Une balance m’attend. Je grimpe dessus. L’étape suivante devrait être la casserole. C’est sûr. Un litre d’eau frémissante s’impatiente dans un coin, relâchant un panache de vapeur. Allez la casserole. Mon sort. Suspendu à cette main, qui me dirige vers… la tasse. Mais pourquoi ? Une tasse.
« Bonjour, je suis curcuma, et toi ?
Je ne suis pas tout seul. Voyons ce que je vais devenir. Enfin j’aurais voulu quand même…