L'odyssée du Romarin - Partie 1

L'odyssée du Romarin - Partie 1

Ici c’est chez moi. Au bord d’un chemin rocailleux. Entouré de champs. Quelques arbres épars. Le climat me convient. Chaud et sec. Parfois même trop sec. Mais je n’ai pas besoin de beaucoup d’eau pour vivre. Donc ça me va. J’arrive à fleurir, je passe l’hiver, et le vent me berce. Et il y en a beaucoup de vent dans cette région. Je suis content car je suis une plante connue. Les humains m’apprécient. Aromatique. Qu’on me définit. Qu’on nous définit. On finit dans une casserole ou un gros pot, un faitout, enfin dans la cuisine. Poêlé, ragout, sauce… Notre destinée. On pousse toute notre vie pour finir dans un estomac, dans le sang d’un humain. En définitive notre véritable destinée est de sublimer un  plat, impressionner les papilles gustatives et croyez-moi elles nous mènent la vie dure. Entre celles qui ne font pas la différence entre nous et le thym et celles qui distinguent des notes de fruits ou d’aliments que je ne connais même pas quand on nous déguste, il y a un gouffre.

Tout cela, c’est le bonheur. Pour nous. Pour y parvenir, on fait tout pour être beau. L’élu. Sortir du lot. Comment devenir beau ? Belles épines bien vertes. Senteur caractéristique. J’essaie d’étirer mon odeur jusqu’à 3 mètres autour de moi. Ce n’est pas facile. Une concurrence féroce avec toutes les plantes. Thym, origan, livèche, estragon, ciboulette, basilic… Même la menthe entre dans la compétition. C’est compliqué de sortir de cette masse. De plus les humains perdent peu à peu l’envie de cuisiner. Qui dit augmentation de la restauration rapide, dit augmentation des livraisons de repas à domicile, dit une envie de cuisiner en berne, dit une utilisation sporadique des plantes aromatiques, dit adieu notre destinée. Je n’invente rien, je répète ce que j’ai entendu. La connaissance des plantes aromatiques à l’état sauvage s’effrite aussi au fil du temps. En gros, plus personne ne nous reconnait dans notre milieu naturel. J’exagère, peu de personnes. Vous voyez les temps sont durs.

Chez moi, au bord d’un chemin rocailleux, entouré de champs avec des arbres épars, je ne côtoie que peu d’humains. 2 à 3 voitures qui passent devant moi, sans me prêter aucune attention, vont dans le champ voisin. Travailler. Je crois. Je ne connais pas grand-chose au travail humain.

Quelques randonneurs. Je saute sur l’occasion pour dégager mes essences naturelles. Elles viennent à la rencontre de leur parfum. Rien n’y fait. Leur tête ne se concentre que sur leur effort. Quelques sangliers. Quelques animaux en règle générale. Mais ils n’ont que faire de moi. Ce n’est pas grave, grandir en pleine nature est aussi un bonheur. Dans ma famille, c’est leur principal but. J’attends.

Enfin j’aurai voulu quand même…

Retour au blog