Le soleil n’a pas émergé. Tout du moins dans cette partie du monde. Ses rayons n’ont toujours pas chassé l’obscurité. Tout du moins pas totalement. Une clarté demeure. Le ciel semble éclairé mais pas la terre. On devine presque la boule rouge. C’est dans cette forme là que le ciel se présente à tout le monde. Ce sont ses habits du dimanche, sauf que le dimanche c’est tous les jours! Le soleil n’a pas émergé. Pourtant, elle est déjà levée. Quand je dis « levée », c’est qu’elle ne dort plus. Elle a les yeux ouverts, fixant le plafond. Une idée survient. Pourquoi ne pas se lever tout de suite pour pouvoir profiter du lever de soleil ? Bonne, mauvaise idée, ni une ni deux, le petit pantalon de toile, le petit plaid sur les épaules, et la voilà dans son jardin. Première pensée, quelle chance d’avoir un jardin. Bah oui ! Deuxième pensée. Quelle chance d’avoir une vue dégagée. En plus le spectacle n’a pas commencée. Comme si tous les éléments l’attendaient. A croire que ce matin tout se goupillerait bien. Une petite chaise longue. Et là en se penchant, elle l’a vue. Cette plante. Troisième pensée : « je viens de découvrir une nouvelle plante ». En fait elle a eu bien plus de pensées entre la deuxième et la troisième mais elles n’étaient pas assez intéressantes pour finir dans ce récit.
Elle vient de découvrir une nouvelle espèce. Déjà parce qu’elle s’y connait en plantes. Alors comment nommer cette nouvelle espèce. La plante a besoin d’une famille, d’un nom et d’un prénom. Enfin, d’une famille, d’un genre et d’une espèce. En latin, bien sûr, mais elle le savait déjà tout cela. La famille regroupe toutes les plantes qui ont des similitudes au niveau de leurs feuilles, où elles sont situées sur la tige, de leur forme, la façon dont les plantes se reproduisent, les fruits, la structure des fleurs. En gros ce que Linné a observé pour pouvoir les classifier en grande famille. Carl von Linné, vous savez qui c’est ?! Mais si c’est le premier homme à répertorier toutes les plantes, et en latin. Bref il leur a donné un nom. Et c’est ce qu’elle doit faire. Est-ce que c’est la personne qui découvre la plante la première qui lui attribue un nom ? Comme pour les animaux où cette araignée Eriovixia gryffindori nommée ainsi en référence à sa ressemblance avec le choixpeau magique de la saga Harry Potter. Surement aussi que ceux qui l’ont découverte aimaient bien Harry Potter. Oui, oui. Même le Seigneur des anneaux et même Games of Thrones ont aussi donné des noms à des araignées. Peut-on faire la même chose avec les plantes ? La menthe, mentha en latin, fait référence à la mythologie grecque. Menthé une nymphe. Une histoire de jalousie avec Persephone. Et une transformation en plante, en menthe. Le genre Artemisia, dont l’estragon fait partie « artemisia dracunculus L », fait référence à Artemis, déesse de la nature sauvage, de la chasse… Mais pas que. De l’accouchement et en général protectrice des femmes. Le genre peut aussi rendre hommage à des personnes, souvent celui qui l’a découverte. Souvent un botaniste. L’eschscholtzia californica a été nommé ainsi par Aldebert von Chamiso en souvenir de Johann Friedrich von Eschscholtz. Un collègue, surement. Un ami, peut-être. Quant à l’espèce, il y a de multiples origines, souvent liées à des caractéristiques de la plante. L’origine géographique de la plante. L’habitat de la plante. Une ressemblance avec une autre plante. Une caractéristique spécifique. Une référence à la couleur de la fleur ou de la feuille. Une durée de vie. Selon l’utilisation, médicinale ou autre. L’origine du nom de l’espèce est vraiment multifactorielle. Est-ce qu’elle peut donner un nom en référence à des films ou des séries, ou encore à ses livres préférés ?
La réponse n’est pas si simple qu’elle n’y parait. Il faut se référer au code. Et oui il y a un code de botanique. Le code international de nomenclature botanique. Plus précisément le code international de nomenclature pour les algues, les champignons et les plantes. Si vous aimez les sigles CINB et CIN. Mais vu que tout le monde parle en sigle… Elle connaissait l’existence de ce code. La nomenclature botanique définit le nom d’une plante selon 3 principes fondamentaux. L’unicité, un seul nom est donné pour chaque plante. La priorité, c’est-à-dire que le nom légitime le plus ancien prévaut. La typification, un specimen-type doit être désigné. Pour qu’un nom soit légitime, il faut d’abord qu’il soit valide. Ensuite il rentrera en concurrence avec d’autres noms pour le principe de priorité. La communauté des botanistes statuera sur les nouvelles espèces. Est-ce une nouvelle espèce, ou un synonyme, ou une sous-espèce, ou un hybride (souvent un croisement d’horticulture) … Si c’est une plante qui diverge que très légèrement d’une autre plante, peut-être qu’elle sera qualifié de varietas (variété botanique) comme Mentha arvensis var. piperascens, (poivré) menthe des champs très poivrée découverte au Japon. Pas de nouveau nom mais on affine et on décline des noms existant. Tout cela est débattu et voté ou choisi pour effectivement légitimer ou pas un nom. Dans tous les cas il doit être latinisé, le nom !
Elle l’a bien compris que l’attribution des noms de plantes appartient à la communauté des botanistes. Il faut une érudition toute particulière du monde des végétaux pour savoir qu’une « nouvelle » plante est bien une nouvelle plante et pas une sous espèce ou autre chose qui s’apparenterait de près ou de loin à une plante existante. Tant pis, personne d’autre qu’elle ne connaitra sa plante.